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Repúblicas y republicanismo en la Europa moderna (siglos XVI-XVII)

Fecha:
24/09/2018
Manuel Herrero Sánchez (éd.), Repúblicas y republicanismo en la Europa moderna (Siglos XVI-XVII), Madrid, Fondo de Cultura Económica España, 2017, 611 p.

Cet ouvrage important s'inscrit dans le débat lancé il y a une vingtaine d'années sur les formes républicaines de gouvernement dans l'Europe moderne. Il s'agissait à l'époque de casser l'intérêt exclusif porté par les historiens à l'absolutisme, paré de toutes les vertus modernisatrices dans la «construction de l'État moderne», et de revitaliser une mémoire républicaine, mieux en conformité avec les bases de la construction européenne présentement en cours. Il fallait montrer que les petits États «républicains», les Pays Bas, la Suisse, Gènes, Venise, avaient relativement à leur taille remporté des succès bien supérieurs à ceux des monarchies, et posé les bases des succès futurs de l'Europe; grâce à une organisation politique radicalement différente de celle des grands royaumes absolutistes, au premier chef de l'Espagne. Les contributeurs de l'ouvrage dont nous rendons compte montrent qu'il s'agit là d'un faux problème, fondé sur un double contre-sens, l'un portant sur la nature des monarchies, l'autre sur la nature du républicanisme. Au passage, ils exposent sur les systèmes politiques de l'Europe moderne des vues qui synthétisent avec profondeur l'état actuel de la recherche, et que tout historien, quelle que soit sa spécialité, se doit de connaître. Car s'il est un sujet sur lequel nous avons progressé au cours des vingt dernières années, c'est bien celui-là! Et il est d'autant plus important que les formes politiques de l'Ancien Régime conditionnent les formes politiques libérales, qui se sont conformées en réaction à elles.

L'ouvrage s'articule autour de la contribution centrale de Manuel Herrero: «La Monarquía Hispánica y las Repúblicas europeas: el modelo republicano en une monarquía de ciudades» (p. 273-326). Traduisons le paragraphe où il résume sa conception de la Monarchie hispanique:

Il ne s'agit pas de mettre en question l'importance des institutions monarchiques, ni le poids de l'Église et de la haute aristocratie dans le gouvernement de la machine impériale. Il s'agit de souligner le rôle que joue un monde urbain dense et complexe dans l'articulation d'un système de gouvernement par essence polycentrique. Chacun des noyaux constituants jouit d'une grande autonomie et défend avec énergie ses privilèges et libertés, et ce avec l'appui du souverain. On a là une véritable monarchie de républiques urbaines, très semblable au modèle que décrit Althusius dans son analyse des [Pays-Bas]. En dépit de son soutien déclaré aux Pays-Bas contre l'Espagne, Althusius appartient au même univers politique et conceptuel que cette dernière, et communie avec elle dans le rejet du modèle de souveraineté absolue que défend Bodin. Il s'agit d'un cadre politique caractérisé par la défense de la pluralité des parties, le respect des libertés et des privilèges locaux [et non des droits de l'individu], dans lequel peuvent opérer indistinctement tout aussi bien des monarchies mixtes, comme la Monarchie hispanique, où le pouvoir du souverain se voit canalisé par de puissantes institutions représentatives aux attributions multiples et variées, que des agrégats républicains, comme le néerlandais, où une entité de nature quasi-monarchique se surimpose à une pluralité de cités, de provinces et de corporations, tout en format entre elles le lien territorial nécessaire et en assurant l'interface avec les systèmes dynastiques prépondérants en Europe (p. 275).

Tout est dit.

Les autres contributions confirment. Les Républiques ne subsistent militairement et commercialement que par leur alliance avec les monarchies, et réciproquement les monarchies les intègrent sans problèmes dans leur jeu diplomatique (Maréchaux, Ben Yessef Garfia, Alloza, Bitossi, Sabbatini, Schnettger, Maillard, Taviani, Basso, Kaps). Cette complicité dans les interactions repose sur une vision politique commune, fondée sur la défense des autonomies locales, au profit des élites locales, nullement sur la défense des libertés citoyennes individuelles, toujours subordonnées aux exigences de l’État; sur le souci d'une déconcentration, et non d'une démocratisation de la décision politique (Weststeijn, Rosu, Meissen, Centenero de Arce, Weber, Pérez Tostado). Ces conceptions fournissent des références communes propices au dialogue (Martínez Bermejo). Et de cette préoccupation partagée surgira la base du droit des gens, la conception de l'État souverain, égal par nature a tout autre État, quelle que soit sa taille.

Un ouvrage remarquable donc, par son contenu, mais aussi par la manière dont a été conduite une réflexion collective bien maîtrisée.

Lecture faite, il me reste une interrogation. L'analyse est fondée sur la Monarchie espagnole et ses périphéries. La France n'apparaît pas. A vrai dire, elle joue un rôle central au cœur de l'exposition, qui ne cesse de se référer implicitement à elle. Elle est le contre-modèle politique, d'une part. Elle est aussi, de l'autre, l'acteur dynamique, expansionniste, conquérant, qui menace tous les protagonistes et les contraint à collaborer. Dans quelle mesure le système qu'on nous décrit aurait-il vu le jour sans sa présence, sans la pression conceptuelle autant que militaire qu'elle exerce sur tous? La France, d'ailleurs, est-elle si fondamentalement différente? Certes, le pouvoir central s'y affirme avec une fermeté que la Monarchie espagnole ignore. Mais dans les faits? Les «bonnes villes» sont-elles si soumises que cela, au xviie siècle, à la volonté royale? L'idéologie politique y est-elle si unanimement absolutiste, et de manière si univoque? Et l'Allemagne, quid de l'Allemagne, où les expériences les plus variées vont être conduites, où vont se mettre en place, dans bien des territoires, souvent de taille restreinte, des régimes où l'État pèse d'un poids à faire pâlir les plus autoritaires des grands monarques européens? Comme tous les travaux qui marquent une réelle avancée, celui-ci vaut aussi par les questions qu'il suscite et laisse sans réponse.

Fuente:
https://journals.openedition.org/framespa/4912

Acerca del autor:
Jean-Pierre Dedieu
Les Cahiers de Framespa